Not a good place to pass out (Joy)

Encore une nouvelle journée. Les journées se suivent et se ressemblent, mais curieusement ça n’a pas l’air de déranger Mateo plus que ça. Lui qui d’habitude n’est pas fan de la routine, ici ça ne le dérange pas plus que ça. Au moins, il est peinard, et personne pour venir l’embêter. Il a son boulot, ses animaux, sa bouffe, c’est tout ce qui importe pour lui. C’est donc de plutôt bonne humeur qu’il avait commencé la journée à la librairie. L’ayant ouverte il y a peu, il avait beaucoup de boulot à faire, comme par exemple ranger la montagne de carton qui commençait à s’entasser dans l’arrière-boutique. Flemmard inconditionnel, il avait au maximum repousser le rangement, mais maintenant, il ne pouvait plus. Surtout s’il voulait vendre un peu. Le but était quand même que ça marche, et pas de faire faillite au bout de plusieurs mois par flemme du rangement. Il avait donc commencé à ranger, ne prêtant pas attention à la porte puisqu’il ne s’attendait pas à avoir grand monde. C’est vrai, qui viendrait dans une librairie quasiment vide ? Il mit donc quelques instants à se rendre compte qu’une jeune femme était là, dans sa librairie. Il bloqua quelques instants sur la demoiselle, avant de reprendre ses esprits. « Bonjour et bienvenue ! Comme vous pouvez le voir, la boutique est plutôt vide, mais j’ai une tonne de livre dans des cartons. Alors si vous cherchez quelque chose en particulier, je serais ravi de vous renseigner. » lui dit-il en souriant. Depuis quelque temps il travaille sur sa façon de parler aux gens, et il s’améliore : déjà, il ne grogne pas. Ou plutôt, il ne grogne plus. C'est déjà un bon début pour Mateo. Il continue de fixer la demoiselle puis fronce les sourcils. Quelque chose ne va visiblement pas. « Euh .. Vous allez bien ?» Il faut dire que la demoiselle n'a pas l'air particulièrement en forme. Pas que sa vie et ses problèmes l'intéresse particulièrement. Mais il n'a pas vraiment envie qu'elle s'écroule dans sa boutique. Bonjour la pub.

Lâche-moi. Tu ne sais vraiment pourquoi cette fois-ci tu avais décidé de te rebeller. Tu y as mis toute la conviction du monde et pourtant il n’a pas sourcillé un seul instant. Ce regard noir charbon que tu connaissais malheureusement trop bien avait, au lieu de te glacer le sang comme à chaque fois, donné le courage que tu n’avais jamais eu. Tu as essayé de faire abstraction de l’odeur de l’alcool et tu as tenté raisonner l’homme qui disait t’aimer. Tu aurais mieux fait de t’abstenir. Ta voix était pourtant restée douce se voulant même rassurante. Tu étais persuadée sur le moment de pouvoir changer quelque chose à l’issue finale. Tu te leurrais totalement, en témoigne les différentes nouvelles tuméfactions qui parcouraient ton corps et ton visage.  Il était 6 heures du matin quand ton mari est rentré totalement ivre – en voiture d’ailleurs -, cette scène a duré quelques heures qui t’ont paru une éternité. Quand il s’est enfin endormi, il était 9 heures du matin. Tu n’as pas pu fermer l’œil, ayant même peur de te retrouver avec ses deux mains autour de ton cou. La seule chose qui t’est venue en tête : partir. Sortir de cette maison. Te changer les idées. Te dire que malgré tout il est fou de toi et que tu dois t’attacher à ça. Tu décides d’errer un peu en ville. Tu n’as pas ta tête des meilleurs jours. L’épisode de cette nuit était vraiment plus traumatisant que les autres. Tu ne pensais pas que c’était possible… Perdue dans tes pensées, tu ne te rends même pas compte que tu es entrée dans cette librairie. Revenir à ta première passion : la lecture. Tu aimes écrire par-dessus tout mais vu ton état d’esprit du moment tes écrits ne sont que tristesse et lassitude. Rien de productif. Lire un bon livre va surement te changer les idées. Tu ne connais pas cette librairie, elle vient très certainement d’ouvrir. En effet, c’est ce que te confirme d’ailleurs l’homme qui t’accueille. Tu ne fais pas vraiment attention, tu le salues poliment et le remercie mais ça s’arrête là. Tu n’as pas vraiment la tête à discuter pendant des heures. Tu es surprise de voir que le jeune homme te questionne sur ton état. Non, ça ne va pas mais ce ne sont certainement pas ses affaires et tu doutes que ça l’intéresse. Les aléas de la vie. Voilà ce que tu trouves à répondre avec un sourire très léger certes mais présent. Je ne sais pas vraiment ce que je recherche… dis-tu en t’attardant enfin sur le propriétaire de la boutique. Je vais regarder et si je ne trouve rien, je vous appelle à l’aide. Tu aimes lire encore et encore les résumés des livres que tu t’apprêtes à acheter. Tu te diriges donc vers une des étagères déjà remplie. A côté de celle-ci un miroir, tu te découvres alors : ce n’était pourtant pas le jour pour se maquiller à la va vite. Tu te détaches les cheveux pour tenter de cacher les quelques marques encore apparentes.

Il fronce les sourcils lorsqu’elle ne l’envoie pas sur les roses, mais presque. Voilà pourquoi Mateo évite d’être sympathique avec les gens qu’il ne connaît pas : on ne sait jamais comment ils sont. Il décide de reprendre son rangement et hoche la tête lorsqu’elle lui dit qu’elle l’appellera si besoin. Il s’attarde quelques instants sur la jeune femme, pour la regarder plus en détail. Ce n’est pas parce qu’il refuse toute relation qu’il ne peut pas regarder les femmes, et surtout les belles femmes. Et malgré son amabilité limitée, il faut avouer que c’est une magnifique femme. Cependant, un détail l’interpelle, des traces sur sa peau. Des coups ou une chute ? Mateo ne saurait le dire. Mais il remarque que la jeune femme essaye rapidement de cacher ces marques. Il fronce les sourcils, vraiment intrigué. Il se rapproche d’elle, pour ranger des livres dans l’étagère d’à côté. « Vous avez de sacrées marques dis donc … » lui dit-il en se raclant la gorge, légèrement mal à l’aise. Pourquoi est-ce qu’il lui en parle ? Il ne sait pas. Mais tout ça l’intrigue. Il est curieux de savoir comment elle s’est fait ses marques, quel genre de chute peut provoquer autant de trace et aussi marqué. « Vous trouvez ce qu’il vous faut ? » Lui qui d’habitude n’aime pas parler aux inconnus, là, c’est tout l’inverse. Mais elle l’intrigue, cette petite blondinette.

Le teint que tu arbores te fait toi-même peur. Depuis le temps que tu subis les colères de ton mari tu as pourtant appris à feindre que tout allait bien : Un maquillage irréprochable ou encore un sourire qui frôle la perfection. Seulement tu commences à fatiguer. Tu as du mal à trouver le courage de te lever le matin alors comment trouver celui de vivre dans l'illusion. Avant ton mariage tu étais quelqu'un de joyeux, drôle. Tu trouvais la vie belle et importante. Tu te raccroches à cette image de toi pour ne pas envoyer balader tous les gens que tu croises dans la rue, dont ce pauvre libraire qui ne t'a rien fait. Il s'approche d'ailleurs de toi pour ranger une étagère. Tu décides de te plonger à la recherche du livre rare qui saura te redonner le sourire. Tu doutes que ce soit une mince affaire. Tu attrapes un livre au hasard t'apprêtant à en lire le résumé quand le libraire t'adresse de nouveau la parole. Il te parle de tes marques que tu as essayé de cacher, sans succès. Tu rougis, mal à l'aise. J'ai provoqué en duel un escalier, je vous laisse deviner qui a gagné. Tu ries nerveusement. Si il croit à cet histoire, c'est un miracle. Seulement tu as tellement honte que jamais tu ne voudrais que ca se sache. Surtout pas un parfait inconnu, aussi charmant soit-il. Tu secoues la tête tentant de t'enlever cette pensée de la tête. Tu lui offres un sourire qui se veut convainquant et te replonge dans ta lecture. Tu espères qu'il passe à autre chose et retourne à ses livres. Tu as peur quand tu le vois s'approcher de toi et entamer de nouveau la conversation. Pas de panique Joy. Pas encore. A vrai dire je n'ai aucune idée en tête. J'ai besoin de m'aérer l'esprit, vous avez quelque chose qui célèbre la vie ou quelque chose dans le genre? Il allait certainement te prendre pour une cinglée, encore plus.

Mateo ne peut retenir un sourire lorsque la jeune femme lui répond. Au moins, elle a un peu d’humour. Cependant, il arrête très vite de sourire lorsqu’il se rend compte qu’elle est nerveuse, notamment par son rire. Une personne tombant dans les escaliers ne serait pas autant nerveuse. De plus, il n’est pas dupe, ce n’est clairement pas des marques qu’on se fait en tombant dans les escaliers. Ou pas autant, en tout cas. « Redoutable, votre escalier ! » Il n’insiste pas plus. Il se doute d’où est-ce que ça peut venir, mais après tout, déjà d’une ce n’est pas ses affaires, et puis il ne la connaît pas cette femme. Il va donc en rester à la version de l’escalier, point final. Ce n’est pas comme si il allait la revoir par la suite. Il est persuadé que demain, il ne s’en souviendra même plus, alors pourquoi se prendre la tête et poser des questions, qui la mettent visiblement mal à l’aise ?

Le jeune homme reste cependant surpris lorsqu’il remarque que la jeune femme ne semble pas particulièrement sereine quand il vient lui parler. Bon, il n’a pas vraiment une tête qui fait peur, donc il doute que le problème vienne de lui. Encore une fois, il décide de ne pas s’en préoccuper, se concentrant sur sa question, réfléchissant quelques instants. « Je pense que j’ai ce qu’il vous faut.» Il se rend dans l’arrière-boutique, cherchant dans les nombreux cartons, les faisant tomber, jurant aussi énormément parce que mine de rien, un carton sur le pied, ce n’est pas la sensation la plus agréable. Il revient finalement quelques minutes plus tard, un bouquin en main, qu’il lui tend. « Le Monde selon Garp. C’est un de mes livres préférés.» lui dit-il en souriant. Pourquoi avoir précisé ce détail ? Aucune idée. Après tout, elle ne lui a pas demandé ses goûts, mais une demande bien spécifique. Cependant, il est sûr que ce livre lui conviendra.

Mateo lui rend son sourire. Qui aurait cru un jour que le jeune homme aurait réussi à faire en sorte que son interlocuteur se détende un peu grâce à lui ? Il ne peut le nier, il fait des efforts plutôt considérables. Et tant mieux au vu du métier qu’il fait. S’il veut que sa librairie marche un minimum, il a plutôt intérêt à être poli et aimable avec les gens. Même si ça le saoule, parce qu’il n’aime pas les gens en général. « Vous pouvez ! J’ai conseillé ce livre plus d’une fois, et jamais personne ne m’en a dit du mal.» Ce n’est pas pour rien que c’est son livre préféré et qu’il le relit minimum une fois par an, bien qu’il le connaisse par cœur. Ce livre dégage quelque chose. « C’est vrai, vous écrivez ? Quel genre de bouquin ? » lui dit-il, intrigué. « Si vous voulez passer pour déposer des exemplaires, je serais ravi de les mettre en rayon.» Il était vraiment curieux de savoir ce que cette femme pouvait écrire. Et il serait aussi ravi de lire ses écrits. C’était plutôt amusant comme situation. Il hausse les épaules à sa question. « Oh, désolé. » Ce n’est pas très professionnel de grogner devant un client. Même si avant, il aurait probablement grogné sur le client. C’est déjà ça. « Je me suis juste pris un carton rempli sur le pied. Mais ça m’apprendra, ça fait des jours que je dois ranger cette arrière-boutique… J’avais encore un peu d’espoir que ça se fasse tout seul… » dit-il en plaisantant. Pas besoin de se forcer, avec elle, la discussion est vraiment simple et naturelle. Puis surtout, il n’a pas envie de la foutre dehors. Il apprécie même sa compagnie.

Le jeune homme se permet de sourire, ravi que la demoiselle accepte de prendre son livre. « Dans ce cas-là, j’attends votre retour avec impatience !» lui dit-il, ne doutant absolument pas que le retour soit positif. Il n’a pour l’instant, jamais entendu des retours négatifs sur ce livre. Il n’y a aucune raison que ça commence aujourd’hui. Il l’écoute avec attention lorsqu’elle lui parle de ses livres. De toute façon, dès qu’il s’agit de bouquin, le jeune homme n’a pas besoin de se forcer pour écouter et être intéressé par la discussion. « J’aime beaucoup les livres fantastiques. Un vrai fan quand j’étais ado. » Il en avait dévoré des sagas entières de fantastiques. Encore maintenant il aimait bien en relire de temps en temps. La petite blonde était en train de l’intriguer. Ça peut paraitre macho, mais il ne l’imaginait absolument pas écrire du fantastique. Du coup, il aimerait bien lire. Il secoue la tête négativement lorsqu’elle lui parle de son dernier roman en date, le notant mentalement dans un coin de sa tête. « Non, ça ne me dit rien. Mais je réitère, je serais ravi de les mettre en rayon. Et de les lire, aussi, vous avez piquer ma curiosité.» lui dit-il, sincèrement. Il se doute qu’elle ne va pas accepter facilement, mais ça ne lui coûte rien de proposer. Il secoue la tête, peu convaincu lorsqu’elle lui propose de lui ramener un exemplaire. Elle n’a pas l’air très enjoué par sa phrase. « Avec plaisir. J’attends donc votre exemplaire de pied ferme.» En espérant qu’elle lui apporte vraiment. Au pire, ce n’est pas grave, il a noté le nom de son roman, ce ne devrait pas être difficile de se le procurer.
Il se surprend à rire en entendant sa remarque. Cela faisait bien longtemps qu’il n’avait pas ri avec une femme, et ça fait du bien. « Vous venez de résoudre un mystère qui est resté entier pendant des années !» lui dit-il, toujours en riant. « Je m’appelle Mateo, au fait.»