tu m'a(b)imes et j'en (c)rêve. (rain)

- une vie ce n'est pas assez...
j'attends. assit sur le lit, simplement vêtu d'un boxer. une cigarette se consume entre mes lèvres juvéniles et j'attends. qui ? pourquoi ? mon client de ce soir. je le connais, un peu. 'fin, c'est pas la première fois que je me retrouve avec lui après mes shows. il est gentil, je crois. en tous cas, il me demande toujours si je n'ai pas mal. et je ne comprends pas pourquoi. il paye juste pour se taper un gamin, non ? qu'est ce qu'il peut bien en avoir à foutre de mon plaisir ? et c'est aussi un des seuls qui prend soin à me satisfaire ... je sais pas. je trouve ça bizarre. j'ai pas l'habitude, je crois. c'est moi qui ai un problème non ? papa et maman en discutaient, parfois, quand j'étais petit, j'suis pas comme tout le monde, je le sais bien. mes pensées s'arrêtent brusquement quand j'entends la porte s'ouvrir et, par réflexes, je balance ma clope par la fenêtre ouverte. je baisse la tête, attendant la moindre instruction. comme toujours, comme souvent, j'arrête de penser quand je suis avec un client. je me mords l'intérieur de la joue. il est de retour, ce trou noir en moi, ce vide qui bouffe mon cœur. j'sais pas comment qu'il fait pour battre celui-là. moi à sa place, j'aurais abandonné depuis longtemps. rhabille-toi. quoi ? mes pensées redémarrent à mille à l'heure. le sang bat contre mes tempes. je ne comprends pas. pas logique. j'arrive pas. j'peux pas. je me contente de le fixer, mon air toujours aussi impassible sur le visage. rhabille-toi, ezra. comment vous avez eu accès à ce prénom ? je souffle, sur la défensive. plus personne ne m'appelle comme ça. depuis plus d'un an et j'ai attention à ne jamais révéler mon identité complète. j'men fiche. c'est rain. c'est tout. je suis catégorique. rain ou rien du tout. rain, rien, ça se ressemble. c'est moi, en réalité. juste rien. pou... pourquoi vous êtes la si c'est pas pour ... les mots meurent dans ma gorge. j'ai pas envie de parler, putain. c'est pas censé se terminer comme ça. je rabats mes jambes contre mon torse, toujours aussi peu habillé. je le fixe. je le fixe sans comprendre. pourquoi il reste planté là à m'observer, pourquoi il fait pas ... juste, ce qu'il a à faire. prendre son pied, éventuellement m'autoriser à jouir et se barrer chez lui ? hein, pourquoi il fait pas ça ? je veux juste t'aider, rain. au moins, il a compris comment faut m'appeler. p'être moins con que ce que je pensais. je le fixe, encore, toujours, inlassablement. j'ai pas besoin de votre aide. je vais très bien. il paraît que je vais bien. il paraît seulement. mon cerveau hurle le contraire, mon corps hurle de m'enfuir. mais je me persuade. je. vais. bien. parfaitement bien, putain. j'ai besoin d'une cigarette. je lâche. je sais qu'il fume, il sentait la cigarette l'autre jour. et je pourrais être étonné, quand il m'en tend une et qu'il me prêt son briquet pour que je l'allume, mais mon visage ne feint aucune émotion. rien. jamais. parfois le plaisir. quand j'ai un client assez doué. vous me faites perdre mon temps. et mon argent. bah ouai, s'il est pas la pour ça, qu'est ce qu'il fout encore face à moi. je tire une longue bouffée sur la cigarette, fermant les yeux, laissant la fumée cramer mes poumons. puis je souffle longuement en sa direction, observant d'un oeil absent les arabesques de fumée. il m'observe encore un moment. mais, arrête de me regarder, bordel. je me mords lentement la lèvre, et je reste une nouvelle fois immobile quand il me tend le billet qu'il aurait dû me tendre après l'acte. je le récupère et je le serre entre mes doigts. puis il se détourne, il sort de la pièce, et aussitôt la porte fermée, je me laisse tomber en arrière, la cigarette entre mes doigts, les larmes perlant déjà sur mes joues. foutue sensibilité. je les essuient d'un revers de la main et je termine la cigarette avant d'écraser le mégot contre le rebord de la fenêtre. je fixe mes vêtements, dans un coin de la pièce. et je termine par abandonner l'idée. je me laisse tomber sur le lit et j'essaye de trouver le sommeil malgré les heures d'insomnie qui prennent par de mon corps.

la nuit tombe. comme chaque soir. je m'égare dans les rues de la ville, je vagabonde, je termine par m'asseoir sur le bord d'un pont, les pieds dans le vide, à l'abri des regards indiscrets. je ne compte rien faire, j'observe juste l'horizon s'étendre devant moi. parfois, je me demande si ce ne était pas plus simple que je glisse, que je me laisse tomber dans l'eau sous mes pieds. c'est un peu bête, je sais nager, je n'aurais pas beaucoup de chance de me noyer tout seul. parfois, j'essaye de comprendre. et je ne comprends pas. oh, je n'ai pas honte de ma vie actuelle, je n'ai pas honte de ce que je suis ou ce que je fais. après tout, c'est gagnant-gagnant. pour eux et pour moi. je me fais un peu d'argent, je leur donne ce qu'ils veulent. juste un peu de plaisir. c'était logique, dans mon esprit, quand je me suis barré de la maison. ça ne pouvait pas terminer autrement, j'ai abandonné mes études. ça sert pas à grand chose pour ce que je fais aujourd'hui. je soupire. je tire une cigarette - volée - de ma poche et mes doigts effleurent le billet laissé plus tôt. pacôme. je crois. peut-être qu'il me l'a dit, une fois, mais je n'écoute pas. je ne veux pas savoir comment ils s'appellent, tous ceux qui me touchent. parce que ça voudrait dire que je m'intéresse à eux, alors que j'en ai un peu rien à foutre d'eux. mais je ne sais pas. pourquoi est-ce qu'il m'a donné ce fric alors qu'il a rien fait ? je ne comprends pas. et ça m'intrigue. ça me stresse. je n'arrive pas à cerner son comportement. ça m'effraie. au fond. l'inconnu m'effraie. c'est comme quand j'avais seize ans. quand shayla est partie de la maison. mariée. qu'elle disait. elle est partie. elle m'a abandonné. ma sœur, c'était la seule qui arrivait à calmer mes crises et mes angoisses quand j'étais petit. je lui faisais confiance. j'aurais pu me jeter dans le vide pour elle. mais elle est partie. et sans elle, je peux pas gérer. j'arrive pas à me faire au monde. pourquoi est-ce qu'elle est partie avec ce con ? elle m'a juste laissé derrière. papa et maman n'ont pas comprit pourquoi d'un coup, ça n'allait plus. j'avais fait des progrès, enfin, c'est ce que la psy disait. elle disait aussi que j'allais un peu plus vers les autres et que c'était bien, compte tenu de mon ... petit problème. et j'avais même réussi à chasser ce vide. mais elle est partie. partie. elle m'a laissé derrière elle. comme si je n'étais rien à ses yeux. je lui en veux. c'est de sa faute. sa faute à elle si je suis comme ça. si j'arrive plus. je peux plus me trouver dans une foule. au-dessus de mes moyens. c'est comme ça. j'en veux à ma sœur. je lui en veux fort. très fort. je sens mes doigts trembler. je resserre mon emprise sur ma cigarette. et je termine par la glisser entre mes lèvres. je l'allume à l'aide du briquet usé qui traine dans mes poches. usé comme moi. usé comme mon esprit. je ferme les yeux, je savoure l'odeur du tabac contre ma langue. et au bout de plusieurs heures, alors que je me serre dans ma veste et que la nuit est silencieuse, je termine par m'endormir, remerciant la météo d'être clémente pour cette fois. elle ne le sera peut-être pas demain. mes pensées s'évanouissent quand mon esprit plonge dans un monde parallèle. différent. beau.
celui des rêves.

Code:

<zz>Cole Sprouse</zz> - Rain Amrani